Bernard Gigounon lives and works in Brussels

 

Dès ses premiers travaux, Bernard Gigounon s'occupe à créer des correspondances, des ressemblances, des glissements d'un état de la forme vers un autre, par des manipulations internes de l'image, du son, par la juxtaposition de ceux-ci. Au départ axé sur une démarche sculpturale, il en retire une préoccupation permanente de la matière et de ses propriétés. D'une certaine façon, la suite du travail, majoritairement autour du médium vidéo, garde de la sculpture une volonté de considérer l'image en mouvement comme une matière proprement dite, avec ces caractéristiques de durée, de grain, et de possibilité de représentation, ainsi que de mise en espace.La question de la représentation y est centrale, et d'une certaine façon littérale. Littérale au sens où de façon récurrente, le spectateur est amené à lire l'image. Souvent, une opération simple, une manipulation, permet de faire basculer un état de représentation vers un autre.
A chaque fois, une invitation au voyage, au glissement magique.
De Méliès à Star Wars, les effets spéciaux ont toujours été un moyen de provoquer la sidération, le retour à l'enfance. Mais ici, il faudrait plutôt parler d'effet spécial au singulier, voire d'effet normal, tant l'artifice est à chaque fois évident, visible, rendant complice le regardeur de la supercherie.
La possibilité de décrochement du réel existe, mais les mécanismes de l'illusion ne s'avancent pas masqués, comme pour souligner la dérision comique de l'envie de merveilleux face au prosaïsme de la réalité, laissant le spectateur simultanément enchanté et désabusé.
Beaucoup de pièces relèvent de la synesthésie, en particulier dans le rapport à la musique.
La problématique de représentation de la musique est explorée par plusieurs moyens, et souvent en glissant d'une perception à une autre. La correspondance synesthésique, la volonté de réellement créer des « parfums doux comme des hautbois » est patente, en même temps que son autodérision, son échec programmé. La connexion avec l'état de nature, la compréhension magique du réel, rejoint la croyance dans la possibilité iconique de l'image, et la capacité de picturalité, voire de textualité, de la musique.
De nouvelles étapes dans le travail, avec l'utilisation de la performance musicale classique, se font jeu dans la réalisation des oeuvres, en particulier en remettant en contexte les lieux de l'interprétation, du lieu de l'enregistrement vers le lieu de la représentation. A l'ère baroque, à la basilique Saint-Marc de Venise, l'on pouvait assister à des chœurs spatialisés, éloignés dans l'espace, ou même dérivant sur l'eau. La musique n'est plus ici un matériau préexistant détourné mais bel et bien un matériau concret interprété dans un espace, et installé dans un autre espace. La problématique de la représentation se mue en problématique de l'interprétation, que le dispositif de monstration va mettre en tension. Il s'agit maintenant de creuser la matière même de la musique, dans son essence sacrée et profane, et dans les lieux qui la consacrent. Comme souvent, le procédé vidéo est élémentaire ; l'emploi du split screen dans l'espace déconstruit en points de vue les diverses voix de la polyphonie. Au spectateur de se rapprocher, de s'éloigner des voix, et de chercher l'endroit du lieu où l'accord harmonique se produit. Ces installations affirment tautologiquement cette correspondance entre multiplicité des voix et des points de vue. Ces nouvelles pièces questionnent aussi de plus en plus les limites et lieux consacrés habituellement à l'art contemporain, en investissant de façon inédite le monde de la musique classique, travaillant directement avec les ensembles musicaux et des endroits qui leur sont dédiés. La création d'une oeuvre recouvre ici le sens utilisé en musique d'interprétation.
Le travail de Bernard Gigounon est hanté par l'introuvable définition de la place que l'on occupe dans le réel. Se poser en sujet doué de perception, qui essaie de voir ce que ses yeux entendent, de lire ce qui n'a pas été écrit.
Provoquer un désordre sensoriel, seul capable de faire advenir la magie.


O.Drouot


Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme des hautbois, verts comme des prairies,


Charles Baudelaire, Correspondances




From his very first pieces, Bernard Gigounon has worked to create correspondences, resemblances, shifts from one state of form to another, and this by internal manipulations of image and sound and the manner of their juxtaposition.   While initially focussed on sculptural work, he has since then retained an ever-present preoccupation with materials and their properties.  In a certain way, the progression of his oeuvre - mainly through the medium of video - maintains from sculpture a desire to think of the image-in-movement as a property in its own right, with its inherent characteristics of endurance, grain, and the opportunity for representation, as well as its sense of place in space.   

Here the question of representation is central, and in a way literally so.  Literal in the sense that in a recurring fashion, the viewer is led to read the image.  Oftentimes a simple operation, a manipulation, induces a tilt from one state of representation into another, each time extending an invitation to a journey, to a magical glide.  
From Méliès to Star Wars, special effects have always been a means of provoking astonishment, a return to childhood.  But here, one should rather speak in the singular of a special effect, even a normal effect, with the artifice always obvious and so rendering the viewer complicit in the deception.
The possibility of detachment from the real exists, but the mechanisms of illusion do not go masked, as though to underline the comic derision of the wish for the wondrous when faced with the prosaicness of reality, something that leaves the viewer at once enchanted and disillusioned.

Many of Gigounon's pieces are allied to the synaesthetic, particularly in their rapport with music.  The problematic of music's representation is explored through several means, and often they slip from one perception sense to another.  The synaesthetic correspondence, the will to really create 'perfumes sweet as oboes' is evident, as well as is its self-mockery, its programmed failure.  The connection with the state of nature, the magical comprehension of the real, joins up with a belief in the iconic potentiality of the image, and the capacity of music for picturality, even textuality.         

New steps in the work process, incorporating classical music performance, are involved in the works' realisation, in particular by putting the places of the interpretation into context, from the place of recording towards the place of performance.  In the Baroque era, at Saint Mark's in Venice, one could witness 'spatialized' choirs, i.e. ones physically separated in space, even wafting over the water.  Here, the music is no longer a pre-existing material simply diverted for the occasion, but well and truly a concrete material interpreted in one space and installed in another.  The problem of representation mutates into a problem of interpretation, one that the device of demonstration will set in tension.  Now it's about excavating the material of music itself, in its sacred and profane essence, and in the places devoted to it.  As is often the case, the video process is elementary: the use of split screen in space deconstructs (in points of view) the various voices of the polyphony.  It's up to the spectators to get closer to the voices or to distance themselves somewhat, until finding just the right spot that provides harmonic accord.  These installations tautologically affirm this correspondence between multiplicity of voices and points of view.  Moreover, these new pieces also ever-more question the limits and locations usually devoted to contemporary art, mining the world of classical music in an unprecedented way, working directly with musical ensembles and their dedicated performance places.  Here, the creation of a piece encompasses the meaning used in music interpretation.              

The work of Bernard Gigounon is obsessed with finding the unobtainable definition of one's place in reality.
Passing as a subject gifted of perception, attempting to see what his eyes hear, to read what has not been written.
To provoke a disorder of the senses - the sole way of heralding the advent of magic.  

O.Drouot


There are perfumes fresh as the flesh of children,
Sweet as oboes, green as meadows..

Charles Baudelaire, Correspondances